Archives mensuelles : avril 2014

Etre libre, est-ce faire ce qu’il nous plaît? 

L’ancienne expression « selon le bon plaisir du roi » est souvent l’objet de contresens pour l’homme moderne qui la découvre. Censée manifester la puissance indépendante du souverain, la formule est entendue comme le signe (voire la signature) d’un pouvoir arbitraire où la sensation (« plaisir ») doublée de valeur morale (« bon ») l’emporte sur la volition (l’acte de volonté), le penchant du corps sur la résistance de l’esprit.

L’expression d’ancien régime confond ce que le point de vue de la raison distingue : le corps et l’esprit.

L’opinion commune consistant à affirmer qu’être libre, c’est faire ce qu’il nous plaît, enracine la liberté dans la nature – caractérisée par la nécessité – au point de congédier tout principe d’action autonome c’est-à-dire la liberté conçue comme une puissance de la volonté indépendante du corps.

Cette distinction s’impose si l’on ne veut pas faire du plaisir du galeux une manifestation de la liberté. Le galeux est en mauvaise santé. Quand il se gratte, il peut estimer être libre d’agir à sa guise mais sa conduite répond aux sollicitations des plaies. D’ailleurs, sa conduite aggrave le mal dont il souffre et dont il souhaite guérir.

Être libre consiste donc plutôt à faire ce qu’on veut, en exerçant, s’il existe, son libre arbitre, puissance indépendante de l’esprit.

En effet, la liberté consiste essentiellement à maîtriser les inclinations du corps et les plaisirs qui les concluent. Cependant si la liberté se manifeste par la résistance aux plaisirs, cela signifie-t-il qu’elle s’accompagne nécessairement de peine?

La réfutation du lieu commun – « être libre, c’est faire ce qu’il nous plaît », amène-t-elle à rattacher la liberté au sentiment opposé au plaisir, la douleur?

L’esprit répugne à tirer une telle conséquence. C’est pourquoi il nous faudra chercher à concilier la liberté de la volonté avec une forme de plaisir. N’est-il pas évident, en effet, qu’il y a un plaisir à se sentir libre d’agir comme il nous semble bon de le faire?

Lectures conseillées :
Gorgias de Platon;le livre IV de l’ Ethique de Spinoza ; Fondements de la métaphysique des mœurs de Kant.

Penser et parler

Dans Le bruit et la fureur, Benjamin Compson le narrateur de la première partie du roman de Faulkner tient un discours presque incompréhensible.

Ses mots hésitent, sans jamais parvenir à une expression appropriée et quand ses paroles finissent par exprimer des sentiments, son âme apparaît bouleversée.

On imagine sans mal l’embarras qu’éprouve le lecteur face à un tel récit.

Que se cache derrière cet étrange langage? De l’ineffable c’est-à-dire une pensée dont l’expression ne retourne pas des possibilités du langage?

Un être à l’intelligence rare -Faulkner – ou un être de sentiment – Benjamin Compson- ?

Quel est le choix littéraire de Faulkner dans ce roman? Mettre en place un grand style en renversant les règles de la grammaire?

La pensée est-elle adéquate au langage c’est-à-dire à la faculté de parler ou la parole révèle-t-elle la pauvreté de la pensée? Comment trancher?

Derrière Maury devenu Benjy, il y a Faulkner lui-même.

Le drame est là et ne peut se dire. La parole destinée à communiquer quand elle est l’acte individuel du langage s’étrangle dans la tragédie qu’on entraperçoit.

Benjy est un idiot dont la fable décrit « la vie pleine de bruit et de fureur et qui ne signifie rien » ( Macbeth, acte 5, scène 5, de W. Shakespeare).

Si l’on interroge les termes du rapport entre penser et parler à l’aune du roman, on est amené à se demander : qui de la pensée et de la parole l’emporte sur l’autre ?

Des enjeux :

La puissance de la parole ne se célèbre-t-elle pas dans la rhétorique quand le pouvoir de la pensée se déclinerait dans les catégories et les règles de la logique ? A la grammaire, reviendrait peut-être alors de résoudre l’éventuel conflit ?

Lectures conseillées:

Gorgias de Platon ; Du maître de Saint-Augustin ; Le Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein et Le Bruit et la fureur de W. Faulkner.

 Jeudi 10 avril à 19h30

Projection  +  Collation  +  Discussion

Nous vous donnons de nouveau rendez-vous, pour mettre en dialogue cinéma et philosophie. À l’issue de la projection, Jacky Evrard, directeur du Ciné 104 discutera avec Grégory Darbadie, philosophe, en confrontant les points de vue, celui du cinéphile et celui du philosophe.

Vous pouvez amener quelque chose à grignoter, à mettre en partage avec tous entre le film et la discussion.

Sous le soleil de Satan, un film de Maurice Pialat (1987). Avec Gérard Depardieu, Sandrine Bonnaire, Maurice Pialat, Jean-Christophe BouvetRésumé : 1926, dans un village en Artois. Le marquis de Cadignan est assassiné par Mouchette, sa maîtresse agée de 16 ans. Elle se confie à l’abbé Donissan qui la mène au suicide avant de devenir curé à Lumbres où ses fidèles le considèrentcomme un saint devant les miracles qu’il réalise.

Jean-Luc Godard a écrit : « le cinéma est une pensée qui prend forme, une forme qui pense ». Les images des films n’illustrent pas les thèses des philosophes, les unes et les autres cheminent ensemble sur la route de la pensée. Nous faisons le pari de vous le montrer.

Visiter le site du Ciné 104

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