Etre libre, est-ce faire ce qu’il nous plaît? 

L’ancienne expression « selon le bon plaisir du roi » est souvent l’objet de contresens pour l’homme moderne qui la découvre. Censée manifester la puissance indépendante du souverain, la formule est entendue comme le signe (voire la signature) d’un pouvoir arbitraire où la sensation (« plaisir ») doublée de valeur morale (« bon ») l’emporte sur la volition (l’acte de volonté), le penchant du corps sur la résistance de l’esprit.

L’expression d’ancien régime confond ce que le point de vue de la raison distingue : le corps et l’esprit.

L’opinion commune consistant à affirmer qu’être libre, c’est faire ce qu’il nous plaît, enracine la liberté dans la nature – caractérisée par la nécessité – au point de congédier tout principe d’action autonome c’est-à-dire la liberté conçue comme une puissance de la volonté indépendante du corps.

Cette distinction s’impose si l’on ne veut pas faire du plaisir du galeux une manifestation de la liberté. Le galeux est en mauvaise santé. Quand il se gratte, il peut estimer être libre d’agir à sa guise mais sa conduite répond aux sollicitations des plaies. D’ailleurs, sa conduite aggrave le mal dont il souffre et dont il souhaite guérir.

Être libre consiste donc plutôt à faire ce qu’on veut, en exerçant, s’il existe, son libre arbitre, puissance indépendante de l’esprit.

En effet, la liberté consiste essentiellement à maîtriser les inclinations du corps et les plaisirs qui les concluent. Cependant si la liberté se manifeste par la résistance aux plaisirs, cela signifie-t-il qu’elle s’accompagne nécessairement de peine?

La réfutation du lieu commun – « être libre, c’est faire ce qu’il nous plaît », amène-t-elle à rattacher la liberté au sentiment opposé au plaisir, la douleur?

L’esprit répugne à tirer une telle conséquence. C’est pourquoi il nous faudra chercher à concilier la liberté de la volonté avec une forme de plaisir. N’est-il pas évident, en effet, qu’il y a un plaisir à se sentir libre d’agir comme il nous semble bon de le faire?

Lectures conseillées :
Gorgias de Platon;le livre IV de l’ Ethique de Spinoza ; Fondements de la métaphysique des mœurs de Kant.