Dans Le bruit et la fureur, Benjamin Compson le narrateur de la première partie du roman de Faulkner tient un discours presque incompréhensible.
Ses mots hésitent, sans jamais parvenir à une expression appropriée et quand ses paroles finissent par exprimer des sentiments, son âme apparaît bouleversée.
On imagine sans mal l’embarras qu’éprouve le lecteur face à un tel récit.
Que se cache derrière cet étrange langage? De l’ineffable c’est-à-dire une pensée dont l’expression ne retourne pas des possibilités du langage?
Un être à l’intelligence rare -Faulkner – ou un être de sentiment – Benjamin Compson- ?
Quel est le choix littéraire de Faulkner dans ce roman? Mettre en place un grand style en renversant les règles de la grammaire?
La pensée est-elle adéquate au langage c’est-à-dire à la faculté de parler ou la parole révèle-t-elle la pauvreté de la pensée? Comment trancher?
Derrière Maury devenu Benjy, il y a Faulkner lui-même.
Le drame est là et ne peut se dire. La parole destinée à communiquer quand elle est l’acte individuel du langage s’étrangle dans la tragédie qu’on entraperçoit.
Benjy est un idiot dont la fable décrit « la vie pleine de bruit et de fureur et qui ne signifie rien » ( Macbeth, acte 5, scène 5, de W. Shakespeare).
Si l’on interroge les termes du rapport entre penser et parler à l’aune du roman, on est amené à se demander : qui de la pensée et de la parole l’emporte sur l’autre ?
Des enjeux :
La puissance de la parole ne se célèbre-t-elle pas dans la rhétorique quand le pouvoir de la pensée se déclinerait dans les catégories et les règles de la logique ? A la grammaire, reviendrait peut-être alors de résoudre l’éventuel conflit ?
Lectures conseillées:
Gorgias de Platon ; Du maître de Saint-Augustin ; Le Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein et Le Bruit et la fureur de W. Faulkner.